jeudi 28 août 2008

"Shut up and calculate": le clash physique et métaphysique

Tom Roud a écrit un très bon article au sujet du chat de Schrödinger. Je ne veux pas revenir ici sur les détails de sa présentation, mais plus particulièrement sur un aspect de l'expérience et du traitment qui en est fait. En effet, au moment d'aborder des questions d'interprétation, il relativise le problème en soulevant la devise "shut up and calculate".

L'idée derrière cette devise, qu'une majorité de physiciens adopte, est qu'à un certain point les questions posées en physique ne sont plus des question de physique à proprement parler mais des questions de métaphysique. En affirmant "shut up and calculate" on affirme arrêtons de discuter ce problème dans notre théorie et mettons nous à travailler avec elle et de découvrir ses conséquences.
Je n'ai aucune objection sur le "calculate" de l'expression. Il est clair qu'une grande partie de l'intérêt d'une théorie est ces nouvelles prédictions. Mais ce n'est pas une bonne raison pour se taire complètement. En effet, ces problèmes ne sont pas si anodins et, à un certain niveau, influencent la physique en tant que pratique.

Il est évidant que proposer une nouvelle interprétation de l'expérience du chat de Schrödinger ne va pas influer sur les technologies et applications que l'on peut tirer des équations de la mécanique quantique. Les problèmes de la mécanique classique soulevés par Mach (dont je vais parler dans un prochain article) tombent dans la catégorie de problèmes pour lesquels il faudrait se taire et calculer. En effet, ses considération sur la nature de l'espace ne changent rien à la puissance des équations du mouvement. Néanmoins, ces problèmes sont au cœur de certains aspects de la relativité générale.
D'autre part les expériences de résurrection de chat dont Tom Roud parle ne sont pas ontologiquement neutres. Elles supposent qu'un chat est un objet physique au même niveau qu'un électron. L'électron a la propriété orientation de spin, le chat à la propriété vivant ou non. Une telle proposition contient des présuppositions philosophiques, métaphysiques. Considère t-on réellement un chat comme une unité matérielle de la même nature qu'un électron (parce que les traiter les deux en tant qu'état, c'est leur donner un même statut ontologique).

Encore une fois, je ne veux pas nier l'importance du "calculate" en physique. Une grande partie de la physique consiste à calculer, déduire des conscéquences des équations du mouvement. Néanmoins, les physiciens devraient être plus au fait des présuppositions qu'ils font et des conséquences que celle ci peuvent avoir sur l'orientation des recherches, ou sur les développement de la théorie de base. Il serait souhaitable que certains s'interrogent sur des présupposés qu'ils défendent sans en être tout à fait conscient.
Il ne doit pas être difficile de trouver des scientifiques de la fin du XIXème siècle ayant travaillé sur des travaux qui nous semblent absurdes aujourd'hui, parce qu'ils présupposait l'existence l'éther, supposition purement métaphysique, dont il semble que l'on peu se passer...

vendredi 15 août 2008

Démocratie, guerre, Géorgie, désinformation: que des gros mots

La situation en Géorgie me trouble. Je croyais que la guerre froide était finie, mais à première vue, les vieux atavismes sont toujours présents. Quelle est l'utilité d'un bouclier antimissile en Pologne? A quoi sert l'OTAN? Il me semblait que le premier était initialement un projet de Bush sénior pour contrer une éventuelle attaque nucléaire de l'URSS. Et l'OTAN m'avait semblé n'être qu'une organisation en déclin, utile uniquement en tant extension militaire de l'ONU (forcer des pays à suivre les principes de l'organisation mondiale). Avec la mort de l'URSS le monde s'est mis d'accord pour dire que la démocratie était la meilleure solution, l'ONU une organisation à respecter, etc, etc.
Mais la guerre en Géorgie et les remous diplomatiques qui en découlent me fait revenir sur ces idées (naïves?). En effet, les américains continuent de déployer le bouclier antimissile, et lorsque l'OTAN s'agrandit, ce n'est pas du bon vouloir de tout le monde. Les réactions de la Russie, agressive face à ces mouvements laisse à réfléchir. D'autant plus qu'il n'est pas uniquement question de démocratie. Je lis dans la presse que Bush (junior) affirme: "Les États-Unis et nos alliés se tiennent au côté du peuple de Géorgie et de leur gouvernement démocratiquement élu". Cela semble se tenir avec l'idée que la démocratie à gagné sur la tyrannie communiste. Mais voilà, hier j'ai regardé cette conférence, donnée au mois d'avril par un Géorgien à propos de la démocratie dans son pays. En substance il affirme que la Géorgie n'est pas si démocratique que Bush veut bien nous le faire entendre.
Une nouvelle image de la diplomatie mondiale se met en place dans ma tête. Il n'est pas question de démocratie du tout, mais bien toujours de modèle de société et d'influence. Les États-Unis ne sont ils pas toujours en train de nous faire croire que leur système a gagné et que, selon le principe de survie du plus apte, leur modèle est le meilleur? L'OTAN n'est il pas toujours le fer de lance de ce modèle? Une idée plus rigide de gouvernance (semi-démocratique?) à la Russe ne serait-il pas un autre modèle qui tente de s'imposer? Et le modèle chinois dans tout ça? (OK ça sonne un peu parano)

Enfin beaucoup plus de questions que de réponses dans ce billet. J'invite néanmoins à prendre le temps de regarder cette vidéo. L'image les méchants Russes qui imposent leur dictature face à la petite et démocratique Géorgie s'en voit passablement relativisée.

Edit: Cet article donne des semblants de réponse...


mardi 12 août 2008

Comment s'informer sur le net

Sur internet, on crie que les médias traditionnels sont morts, que le futur est en ligne, etc etc. Bien entendu il y a une part de vérité dans cette affirmation, une partie des revenus publicitaires des journaux part dans la publicité en ligne, le Monde en ligne serait plus rentable que sa version papier, etc, etc. Mais qu'en est-il de nos manière de nous informer en ligne?

Tout d'abord il a y le surf de base, au signet. J'aime bien visiter le site du Temps, c'est un bon journal, je l'ai dans mes favoris et tous les matins/soirs je me connecte et je lis les articles. C'est simple et c'est un comportement proche de celui qui existe déjà avec les journaux traditionnels, avec, bien entendu, la différence qu'il est possible de visiter un peu plus qu'un journal. Pour compléter ses informations, il suffit d'aller jeter un coup d'œil sur le site d'un concurrent, peut être étranger, le Monde, par exemple.
La prochaine étape est de se connecter sur Google News. Au lieu du modèle, je suis affilié à un journal, j'aime ce qu'ils font, Google News propose des liens vers les articles de tous les journaux en ligne, rassemblés par sujets. En plus d'offrir le choix de sources différentes, le site de Google permet d'organiser son information. Si je suis intéressé par l'actualité internationale mais pas du tout par le sport, je paramètre ma page de manière à n'avoir pas de sport, c'est facile.

Mais au delà de l'information, il est tout à fait possible que l'on apprécie le point de vue décalé d'un blogger sur l'actualité. A cela ajoutons un dessin de presse quotidien, un peu de science, de l'actu informatique, etc etc. C'est à ce moment que le surf par bookmark connait ses limites. On finit par passer plus de temps à vérifier s'il n'y a rien de nouveau sur son site favori, au lieu de lire du contenu. Il existe une solution technique à ce problème, les flux RSS.
En général c'est à ce moment que le commun des mortels abandonne, syndrome de la facilité oblige. Ouf, des flux ça a l'air d'un truc compliqués d'informaticien. Ça ne l'est pas. Il suffit jute de cliquer sur la petite icone orange (voir bleue). Et choisir son lecteur de flux. J'avoue que là les choses se compliquent. Il y a plusieurs moyens de lire des flux RSS, je vais parler de deux d'entre eux, Netvibes et Google Reader.
Netvibes (et son concurrent iGoogle, je sais Google est partout), propose de se créer une "page d'accueil". De manière résumée, un environnement Netvibes consiste en une sorte de bureau sur lequel on pose des widgets. L'intérêt c'est que ces widgets peuvent contenir des flux. Ok il faut que je pause et donne plus de détail sur ce qu'est un flux RSS. On peut comprendre une page internet comme un contenu et une mise en page. Le flux contient le contenu, plus ou moins complet, certains site mettant tout le texte à disposition alors que d'autres limitent le nombre de caractères. L'intérêt vient du fait qu'il est possible de remarque immédiatement qu'un flux a été mis à jour. Pour revenir à notre exemple de Netvibes, le widget pointant vers un site va être constitué des liens vers les articles d'un blog. Et la plupart des site d'information–des journaux, autant que Google News–proposent des flux. En résumé, votre page va consister en une organisation de liens pointant vers des articles qui peuvent vous intéresser.
Et qu'en est-il de Google Reader? Le fonctionnement de base est le même. Les flux sont agrégés dans une page. La différence vient principalement du mode de lecture. Netvibes permet principalement de proposer de liens sur lesquels se diriger si le contenu nous semble intéressant. Google Reader permet en plus de lire de manière agréable le contenu directement dans le lecteur (dans la mesure ou celui-ci est accessible par le flux RSS). La lecture ici va consister à lire les articles les un après les autres, comme dans un gigantesque blog regroupant plusieurs sources.
Les avantages des lecteurs de flux sont clairs, ils permettent de regrouper l'information en un endroit. Quels sont les désavantages? Ils sont multiples. Tout d'abord, en ce qui concerne les site de type Netvibes, les pages ont tendance à devenir vite encombrées. Les sites qui ne mettent pas souvent leur contenu à jour prennent autant de place que ceux qui le sont. De plus, si l'ont veut avoir un large panel d'intérêts différents, le nombre de pages se multiplie et il devient facile de manquer un lien qui aurait pu être intéressant. Les agrégateurs de type Google Reader échappent en partie à cette critique. En effet, les billet viennent en un flot continu, il n'y a pas de notion d'encombrement. Néanmoins la quantité d'information peut rapidement devenir trop importante. Typiquement il devient difficile de lire un flux entier d'information provenant de journaux, cela nécessite de l'organisation supplémentaire, qui bien qu'étant permise par le programme, demande passablement de travail pour installer (choisir ses tags, grouper des flux, etc, etc).

Donc en résumé comment s'informer sur internet? Cela dépend de vos intérêt. Si vous voulez y aller à l'ancienne, les bookmarks fonctionnent très bien. Google News permet même d'innover légèrement en sélectionnant en partie l'information intéressante. Les flux RSS relèvent d'une autre démarche, plus globaliste. Il ne s'agit plus de penser le journal comme LA source d'information et d'analyse, mais de vouloir compléter en ajoutant d'autres sources propres au net. Dans ce cas, selon que la quantité d'information extérieur est plus ou moins importante et/ou que vous voulez investir plus ou moins de temps dans l'organisation de vos flux de données, la balance va pencher pour l'un ou l'autre. Le modèle idéal n'existe pas (pour l'instant?)...

mardi 5 août 2008

Newton, Leibniz et la relativité (et aussi Einstein, mais pas vraiment)

L'image que j'ai de la présentation de la relativité que j'ai reçu, je ne sais d'où journaux de vulgarisation probablement, est la suivante. Newton était idiot, il supposait un repère absolu, il y a un point dans l'univers dont les coordonnées sont (0,0,0). Le génie d'Einstein a été de révéler au monde que les positions étaient relatives; il n'y a pas de repère favori.
Loin de moi l'idée de nier le génie d'Einstein. Mais je veux parler de la notion de relativité, ou plus précisément la notion d'espace. Einstein n'a pas inventé la notion d'invariance selon le référentiel et la notion d'un repère absolu n'est pas le résultat d'un choix naïf de la part de Newton, mais d'une réflexion.

Nous allons ici parler de la notion d'espace. Et plus particulièrement de la bataille qui fait rage entre deux écoles de pensées. D'un côté les absolutistes, menés par Newton, qui affirment que l'espace est une sorte de substance dans l'univers qui possède un référentiel absolu. D'un autre côté, nous avons les relativistes, menés Leibniz, affirment qu'il n'y a rien de tel qu'une substance 'espace' et que l'on doit comprendre la physique en tant de loi sur des distances relatives entre deux objets. Notons que les versions de Newton et de Leibniz sont plus fines que ce que je présente ici, mais pour des raisons de vulgarisation, je vais simplifier. Pour une critique détaillée, rendez vous ici, en anglais.

Donc Leibniz considère que la physique est indépendante du référentiel. En effet, la physique classique est invariante à une "transformation de Galilée" près. Moins techniquement cela signifie que lâcher une pomme dans une gare à Londres ou à Paris ne change pas les lois de la physique. Ou le fait de lâcher une pomme sur le quai ou dans l'eurotunel n'a pas d'influence non plus. La physique n'est dépendante que de la distance entre le centre de la terre et la pomme. C'est cette distance qui est importante, et non pas le référentiel.
Le fait de vouloir imposer des points d'espace fixe est inutile, cela correspond à fixer un référentiel absolu, alors que considérer l'espace comme une construction mathématique à partir de la notion de distance évite d'introduire ce référentiel. En plus, il est toujours bien d'avoir une ontologie légère, c'est à dire de supposer un minimum d'objets existants dans le monde. Le substantialiste introduit la substance "espace" et le relativiste peut s'en passer.

Qu'en est-il de Newton alors? On l'a déjà dit, mais il affirme qu'il existe un espace absolu, un point dans l'univers qui porte l'adresse (0,0,0). Il n'était pas stupide, alors pourquoi avoir introduit un espace-substance et un référentiel absolu? Son argumentaire repose sur ce qui s'appelle l'expérience du seau. Imaginez faire tourner de l'eau dans un seau (ça marche aussi avec du thé ou du café dans une tasse). La surface va se courber, le liquide est plus élevé dans les bords qu'au milieu. Mais si l'on se met dans le référentiel qui tourne avec le liquide, la vitesse des molécules d'eau est nulle, leur distance invariante. Comme dans le cas statique. Si l'on considère le fait la physique se formule uniquement en termes de distances entre les particules, un problème se pose: il n'y a pas d'explication pour la forme particulière de la surface de l'eau. En termes plus techniques, les loi de la physique classiques ne sont pas invariantes par une transformation d'accélération, la physique n'est pas la même dans le train qui tourne que sur la gare (qui n'a jamais joué à pousser son petit frère contre la porte de la voiture lorsqu'elle tourne?).
Le raisonnement de Newton est ensuite le suivant. Il doit exister des systèmes sur lesquels aucune force n'est exercée. Un repos absolu. Mais pour que celui-ci soit défini, il faut une vitesse absolue et donc un espace absolu. On est bien loin de la naïveté...

Avant d'aller plus loin, il faut noter qu'il existe une autre école de pensée dans notre petite guerre, le substantialisme. En fait, l'absolutisme est une variante du substantialisme. Les absolutistes considèrent que la substance espace est absolue. Le substantialiste en général n'a pas besoin de cette hypothèse. En deux mots, faire le choix d'être substantialiste en évitant d'être absolutiste répond au soucis du repère privilégier. On garde un espace-substance, mais l'idée de référentiel absolu est écartée.

Et la relativité d'Einstein dans tout ça? La relativité restreinte (celle de 1905) ne change rien du tout au problème. Ce qu'Einstein y fait est de montrer que les référentiels sont indépendant non pas à une transformation de Galilée près mais une transformation de Lorenz (et, par la même occasion de permettre à Minkowski d'introduire le concept d'espace-temps). Ce n'est qu'avec la relativité général que les choses changent, mais j'anticipe, tout ceci sera pour un autre billet...

PS. Pour les référence, la "Stanford Encyclopedia of Philosophy" est toujours bonne. Le livre de L. Sklar, Philosophy of Physics, aborde également ce sujet (et donne des références plus avancées).